Prévention du cancer : à chacun d’agir !
1 homme sur 3 et 1 femme sur 4 se verra diagnostiquer un cancer avant ses 85 ans (1). Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité.
Alexandre Maisonneuve, médecin et directeur médical et innovation santé chez AXA France, nous explique que nous pouvons agir à titre préventif.
Sommes-nous tous égaux face au cancer ? En d’autres termes, quelle est la part de notre capital génétique dans l’exposition à cette maladie ?
En raison d’un patrimoine génétique qui est propre à chacun d’entre nous, nous ne sommes pas égaux face au cancer. Par ailleurs, tout évènement externe, tel que la fatigue, les infections, les agressions comme le tabac et la pollution et même les épisodes dépressifs jouent sur notre immunité.
Ainsi, ce serait une erreur d’être fataliste et faux de penser que notre patrimoine génétique nous condamne à ne rien faire. C’est tout le contraire !
« Car si notre capital immunitaire dépend de nos gènes, il dépend aussi grandement de notre style de vie. »
C’est particulièrement vrai du cancer qui est un combat permanent entre des cellules qui se dégradent et notre capacité physiologique à nous protéger des plus toxiques d’entre elles. Quand tout va bien, notre organisme maintient un équilibre au quotidien. C’est quand cet équilibre vient à être rompu, que le cancer peut s’immiscer.
Il faut bien retenir que l’on est passé du concept de cancer vu comme une lésion qui se développe dans le corps, au cancer qui est une lésion que notre corps laisse se développer. Ce qui en termes de causes et de traitements change beaucoup de choses.
En matière d’hygiène de vie, quels sont vos conseils pour limiter les risques de cancer ?
Pour savoir comment limiter les risques de cancer, rappelons tout d’abord que 40% des cancers sont évitables (selon l’Institut National du Cancer). Ils dépendent principalement de nos modes de vie et en partie de l’environnement. Ce sont donc des causes sur lesquelles nous pouvons chacun agir à notre niveau !
Notre action pourrait ainsi porter sur trois sujets en priorité :
- Ne pas fumer car le tabac est de loin la première cause de cancer (le tabac est directement responsable de presque 20% d’entre eux (1)
- Limiter fortement la consommation d’alcool, l’alcool est souvent sous-estimé voire méconnu dans les causes de cancer alors qu’il en provoque directement presque 8% (2)
- Lutter contre la sédentarité en ayant une activité physique quotidienne
Les cellules de notre corps sont en renouvellement permanent et nous avons besoin de mettre toutes les chances de notre côté. Lorsque nous fumons, que nous buvons de l’alcool, que nous mangeons trop, nous sur-sollicitons nos mécanismes de défense et nous affaiblissons de fait notre capital immunitaire. Sans le savoir, nous ouvrons donc un boulevard aux cellules agressives, augmentant mécaniquement le risque de cancer.
Par exemple, très concrètement, en consommant de l’alcool ou du tabac, nous injectons un toxique dans notre corps. Ces agents nocifs ont non seulement une toxicité cellulaire directe, mais sont également une charge supplémentaire pour l’organisme qui va prioriser une partie de l’énergie disponible à leur élimination, énergie qui ne sera plus disponible pour un bon renouvellement cellulaire, et notamment pour se défendre contre les cellules les plus dangereuses.
Autre élément important : la sédentarité. Il n’est pas question de transformer tout le monde en marathonien ! 30 minutes d’activité physique soutenue par jour – sans que ce soit d’ailleurs nécessairement du sport au sens strict du terme ou 30 minutes de marche active par jour constitue un excellent début. Cela permet de remplir cet objectif de bonne santé.
Il existe plusieurs campagnes nationales de dépistage : sont-elles efficaces ?
Il existe trois dépistages organisés actuellement proposés. Il s’agit, en l’absence d’antécédent médical familial ou personnel particulier :
- Pour les femmes :
– à partir de 25 ans, du dépistage du cancer du col de l’utérus
– et à partir de 50 ans, du dépistage du cancer du sein, proposé tous les 2 ans - Pour les hommes et les femmes :
– à partir de 50 ans du dépistage du cancer colorectal, proposé tous les 2 ans
Aujourd’hui, malheureusement le dépistage du cancer du sein est effectué par moins de 50% des femmes éligibles et celui du col de l’utérus à près de 60 %. Le dépistage du cancer colorectal est quant à lui encore moins suivi avec seulement près de 35% de la population éligible qui l’effectue (4).
« Au niveau de la France, notre taux de participation globale aux dépistages organisés est inférieur à 50% quand l’objectif européen s’élève à au moins 65% (5). Il y a une vraie marge de progression et donc de bonnes raisons de se mobiliser chacun à notre niveau ! »
L’enjeu est de bien intégrer qu’il y a un intérêt individuel et personnel évident à se faire dépister. Or assez régulièrement, on observe une réticence à le faire, comme si quelque chose allait nécessairement être diagnostiqué, et d’autant plus s’il existe une forme de culpabilité en raison de nos modes de vie qui ne sont forcément jamais parfaits !
L’objectif est de considérer le dépistage comme un contrôle technique où le but est d’en revenir dans la grande majorité des cas avec une bonne nouvelle.
Et dans les cas où un cancer est diagnostiqué, ce diagnostic précoce (avant même de ressentir le moindre symptôme), permettra un traitement plus léger, plus court, mieux toléré et de meilleure efficacité qu’en cas de diagnostic plus tardif.
Quel peut être, selon vous, le rôle d’un assureur sur la prévention des cancers ?
Les assureurs ont un rôle clé à jouer dans la prévention des cancers que je déclinerais avec 3 mots.
- Engager. Vu le faible taux de participation globale aux dépistages organisés, le premier rôle est de venir renforcer ceux-ci, en encourageant chacun à y participer : les personnes éligibles évidemment, mais aussi les plus jeunes afin de créer cette évidence pour leurs proches et pour eux quand ils seront en âge d’être concernés. C’est la priorité, et l’enjeu de tout acteur responsable et engagé.
- Donner l’envie d’agir. Le second rôle est de délivrer les informations utiles et les éléments de compréhension adaptés qui permettent à chacun de cheminer et de faire évoluer ses modes de vie.
- Sensibiliser. Collectivement, il n’est possible à ce jour de ne proposer que 3 dépistages organisés (probablement 4 dans les années à venir, avec le cancer du poumon). Or chacun sait que les cancers sont multiples. Le rôle d’un assureur est donc de sensibiliser chacun sur ses propres facteurs de risque et d’encourager les dépistages individualisés avec ses professionnels de santé habituels (et notamment avec son médecin traitant) voire en proposant des bilans de santé réguliers.
Pour conclure, il est important que chacun prenne conscience qu’il peut agir à son niveau et dans son propre intérêt. A la fois en réfléchissant à ses modes de vie, en échangeant avec son médecin, et en participant aux dépistages organisés. Oui, bien sûr, on peut différer un dépistage pour plein de bonnes et mauvaises raisons, mais je vous assure que vous avez l’esprit bien plus tranquille une fois un examen de dépistage réalisé, et même avant d’avoir le résultat. Et dans l’écrasante majorité des cas, le résultat est normal !
Plus un cancer est détecté tôt et mieux il se guérit. Plus on diminue ses facteurs de risque, et mieux on se porte.
En tant que médecin, je suis convaincu que le rôle d’un assureur, comme pour les accidents de la route, est de transformer une fatalité en un objectif réaliste, en incitant le plus grand nombre à réaliser les dépistages organisés, en vue d’atteindre une grande victoire collective !